Tenu au cœur de l’Amazonie (au Brésil) en ce mois de novembre 2025, la COP30 a marqué un tournant stratégique majeur en reconnaissant le rôle indispensable des peuples autochtones et des communautés locales (PACL) dans la survie de la planète. Cependant, entre les discours de reconnaissance et l’urgence du financement direct, le passage aux actes concrets reste le défi crucial de l’après-Belém.
Par Gaspard Ndikumazambo.

La 30e Conférence des Parties (COP30) à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, qui s’est tenue à Belém (Brésil), a mis en lumière une vérité incontournable que la science ne cesse de marteler. La protection des territoires autochtones n’est pas seulement une question de réparation historique, mais une condition de survie planétaire. Les peuples autochtones, qui ne représentent que 6 % de la population mondiale, sont les gardiens de près de 80 % de la biodiversité restante.
Leurs pratiques incarnent des stratégies d’atténuation naturelles et efficaces. Vital Bambanze, directeur de la coordination des activités de l’Uniproba, membre fondateur de cette même organisation et défenseur des droits des Batwa s’exprime sur le sujet depuis Belém. Dans une interview accordée, cette activiste autochtone souligne que « les savoirs locaux sont des stratégies légitimes d’adaptation ». Les territoires autochtones en Amazonie, par exemple, sont estimés être un puits de carbone d’environ 340 millions de tonnes de CO2, faisant l’une des solutions climatiques les plus puissantes. C’est pourquoi le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a lui-même pris en compte les demandes de financement « plus direct et moins bureaucratique » pour ces peuples. Le Secrétaire Général de l’ONU avait déjà appelé en avril 2024, à « financer le leadership des peuples autochtones pour atteindre les objectifs climatiques mondiaux ». C’était lors du plus grand rassemblement annuel mondial des peuples autochtones en sa 23e session au Siège des Nations Unies à New York.
Les priorités de l’Amazonie : un impératif de justice
L’organisation de la COP30 en Amazonie a permis aux peuples de la région de porter une voix unie à travers la Déclaration politique des peuples autochtones du bassin amazonien. Cette déclaration met sur la table des priorités fondamentales, affirmant que si l’Amazonie s’effondre, la planète s’effondre. Ainsi, selon Bambanze, « la reconnaissance et la protection des territoires est jugée essentielle, tout comme l’établissement d’un financement direct et autonome, piloté par les titulaires de droits qui sont ces peuples au cœur de l’enjeu et de l’esprit d’intégration ». Par ailleurs, la garantie d’une représentation et d’une participation effective avec un pouvoir décisionnel est réclamée. De plus, face à la violence perpétrée aux peuples autochtones dans certains pays aux grands bassins forestiers du sud-est asiatique, ceux d’Afrique et d’Amérique latine, des mesures urgentes pour la protection des défenseurs autochtones sont un impératif. C’est au moment où les représentants de ces populations présents à Balém se disent avoir été « oubliés par les accords de Rio sur l’environnement et le développement depuis 1992 ».
L’impératif du financement et du consentement
Cependant, l’un des enjeux majeurs de la COP30 reste la mobilisation des financements. Bien que la présidence brésilienne ait affiché l’ambition d’élever l’objectif de financement à 1,3 trillion de dollars d’investissements climatiques par an d’ici 2035, les pays les moins avancés (PMA) dénoncent l’insuffisance des moyens pour l’adaptation et la résilience. Les négociations sur ce sujet, ainsi que sur l’opérationnalisation du Fonds Pertes et Dommages, sont restées tendues. « Seul un petit nombre de pays a soumis ses Contributions Déterminées au Niveau National (CDN) de 3e cycle, ce qui est jugé insuffisant pour maintenir le cap du 1,5°C de l’Accord de Paris », selon les termes et les conclusions des parties prenantes à la négociation.
Face à ce fossé, Vital Bambanze a lancé un appel sans équivoque : « la consultation des peuples autochtones doit cesser d’être un exercice symbolique chez nous comme ailleurs ». Elle doit être fondée sur le principe du consentement libre, préalable et éclairé (CLPE), garantissant leur pleine participation avant toute décision.
Pour Vital Bambanze, « la COP30 à Belém a rappelé que l’avenir climatique dépend fondamentalement du respect des droits humains et des savoirs ancestraux. Investir dans les initiatives des femmes et des filles reste la stratégie incontournable pour défier les caprices du climat et de l’environnement, des initiatives ciblant l’éducation, la santé et le bien-être en général sans exclure aussi l’action des jeunes ». Pour lui, « le temps des excuses et des demi-mesures est révolu ». Dans ce sens, le défi est maintenant de s’assurer que l’esprit de Belém, axé sur la justice climatique et environnementale, se traduise par un financement international réel et suffisant et des politiques nationales qui renforcent la tenure foncière communautaire dans les pays où l’activisme autochtone est naissant.