A l’approche des rendez-vous électoraux de 2025, les préparatifs avancent dans tous les côtés. Des assises sur la bonne tenue du scrutin s’enchaînent. Tous les domaines sont interpellés. Les agents de la CENI, les formations politiques, la société civile, les professionnels des médias, l’administration et les corps de défense et de sécurité, sont sur les rails. Malgré les bons préparatifs, échappés à la vigilance, les chansons et slogans haineux peuvent virer vers le désagrément.
De la période de l’indépendance à nos jours, les élections vibrent au rythme de chansons de propagande. Ces chansons tout comme les slogans politiques restent des outils de communication incontournables lors de la période électorale et cela est normal. Le hic commence quand certaines chansons et slogans véhiculent de la violence verbale, la haine et d’autres substances à caractère de faire peur aux adversaires politiques. Certains citoyens joint par la rédaction émettent des observations. C’est le cas de Mireille Uwumukiza, une jeune fille à la fleur de l’âge, rencontrée au centre-ville, tape le point sur la table. « Les formations politiques qui émettent les messages haineux à l’endroit de leurs adversaires politiques sont dépourvus de projets de sociétés qui attirent les électeurs assoiffés du bien-être », dit-elle. Sur la même longueur d’onde, Nijebariko Donate âgée de 52 ans indique que les chansons haineuses restent une réalité au Burundi depuis les élections antérieures notamment en 1993. En outre, une jeune fille étudiante dans l’une des universités de la capitale économique qui a requis l’anonymat interviewée indique que les chansons haineuses constituent une pierre dans les bottes du bon déroulement du scrutin. Pour cette étudiante, les chansons de la haine pendant la période électorale peuvent remuer la plaie des évènements douloureux qu’a traversé le Burundi. Toutes ces interlocutrices se convergent vers l’interdiction de scander ces chansons pour le bon déroulement du prochain processus électoral.
Quand les responsables politiques en disent un mot
Certains responsables des formations politiques croisent le regard face à la réalité des chansons et slogans politiques scandés pendant la campagne électorale. Kefa Nibizi, le secrétaire exécutif et porte-parole de la coalition Burundi Bwa Bose, principale coalition des partis politiques de l’opposition, fait son constat. Pour lui, certains partis politiques scandent des slogans et des chansons qui injurient d’autres partis politiques. Cette attitude hypothèque le bon déroulement du scrutin. Kefa ajoute que à l’approche des élections certains partis politiques imaginent les stratégies de communication pour faire connaitre leurs programmes et parmi leurs stratégies figurent les chansons et les slogans qui parlent de la bravoure et la bonté de leurs programmes et leur supériorité. Selon Kefa, jusqu’à ce niveau tout est normal. Un hic commence à être observé quand les slogans et les chansons véhiculent la haine, l’intimidation à l’endroit des militants des autres partis politiques et des chansons de classification qui montrent que les adversaires ne sont pas des humains et souvent assimilés à des animaux. Ces chansons et slogans peuvent ne pas se conformer même au mœurs du pays. Dans ce cadre, Kefa indique qu’il s’agit d’un dérapage. Ce cadre de la coalition Burundi Bwa Bose interpelle les responsables des partis politiques et l’administration de rappeler à l’ordre les défaillants et parfois les punir. Même son de cloche au sein du parti UPRONA. Le président de cette formation politique Olivier Nkurunziza n’y va pas par quatre chemin. Olivier avoue que ce genre de chanson existent. A son avis, ces chansons sont en quelque sorte récurrentes lors des campagnes électorales. Ce responsable politique pointe les conséquences de ces chansons et slogans haineux. Selon Olivier les chansons créent la haine, la division et déshumanisent les adversaires. Pour lui, les chansons devraient véhiculer les projets de sociétés. Le président du parti UPRONA souhaite des sanctions musclées à l’endroit des gens qui propagent ces chansons à caractère haineux.
Contrairement aux politiciens qui dénoncent l’existence des chansons et slogans haineux propagés par certains membres des partis politiques lors des campagnes électorales d’autres comme Jean de Dieu Mutabazi, président du Parti Rassemblement des Démocrates pour le Développement au Burundi, RADEBU en Sigle, dit qu’il n’a pas encore enregistré ce genre de chansons et slogans. Pourtant, pour Mutabazi seuls les petits accrochages s’observent et sont vite résolus. Ce politicien indique plutôt qu’il sera le premier à condamner ces chansons et slogans, une fois observés.
Quand les médias jouent un rôle…
Les médias jouent un rôle crucial dans les campagnes électorales et leur rôle de lutter contre la propagation des chansons et slogans haineux est important, affirme Jacques Bukuru, Journaliste burundais. Selon cet icône de la presse burundaise « pendant les élections, il convient de savoir que, comme l’a dit le professeur Pascal Lardellier l’enjeu de la communication politique, c’est le pouvoir. Le pouvoir qu’on veut garder, qu’on veut conquérir, ou qu’on veut détruire ». Jacques Bukuru ajoute que les candidats y vont de tous les moyens y compris par des chansons qui animalisent l’adversaire. Ce professionnel des médias martèle que les compétiteurs doivent pourtant savoir que le pouvoir sans adversaire est une illusion, comme le pense Chantal Mouffe, spécialiste en philosophie politique. Les gestionnaires des élections, dit Jacques Bukuru, doivent prévoir un cadre légal qui réprime un comportement pareil qui peut conduire le pays à des violences. Dans ce contexte, Bukuru indique que les médias peuvent ; par des formats d’opinion comme les éditoriaux sans oublier les microprogrammes et sketchs radiophoniques ou télévisés, avertir le public sur le danger de chansons et slogans de haine. Ce vétéran du métier de journalisme rappelle que les médias doivent jouer leur mission prépondérante d’éduquer le public sur les bonnes pratiques à adopter et les mauvaises à abandonner.
Norbert Rucabihari